J’écris depuis la chambre d’Ariane dans une atmosphère qui frôle celle des douces nuits estivales : la fenêtre est ouverte, juste assez pour laisser entrer une petite brise fraîche. Le moral est donc au beau fixe et c’est avec beaucoup plus de plaisir que la dernière fois que je suis retournée au Norton Simon Museum en emmenant une ribambelle d’étudiants de français avec moi. Le musée présentait une exposition sur Edgar Degas et ses modèles, une série de statuettes de bronze qui nous plonge dans l’univers du sculpteur à la découverte du processus artistique lui-même…
Et l’on retrouve Callie, modèle enthousiaste et fine observatrice devant les sculptures de Degas.
Une série de trois statuettes de danseuses réajustant leurs bas.
Edgar Degas, « Dancers in the Wings », 1876-1878. Avec le cadrage si caractéristique de Degas.
Il n’y a rien à redire sur la muséographie très sympathique de l’exposition sur Edgar Degas : trois salles, trois thèmes, et des oeuvres bien mises en valeur avec ces murs colorés dont j’affectionne le côté audacieux. Dans la salle « rouge », on observe de petits groupes de statuettes comme les danseuses réajustant leurs bas (voir ci-dessus). Placées juste à côté du tableau Dancers in the Wings, on voit clairement les thèmes chers à l’artiste, tout comme on apprécie également l’individualité de chaque modèle.
Arabesque over the right leg, left arm inline, 1885-1890. Beaucoup de grâce et un jeu d’ombres sympathique.
« Fourth position front, on the left leg », 1885-1890. Vue de face.
« Fourth position front, on the left leg », 1885-1890. Vue de derrière.
Un avantage non négligeable à la muséographie vient du fait de pouvoir tourner autour des oeuvres. La magie de Degas opère puisqu’on expérimente tout un panel d’émotions différentes selon l’endroit où l’on se place : on peut rester de marbre devant une oeuvre, puis la redécouvrir quelques instants après en la regardant à nouveau d’un autre point de vue. Du coup, on slalome entre toutes les oeuvres à la recherche de l’angle parfait…
Horse balking (horse clearing an obstacle), 1880. Callie, spécialiste des chevaux, m’apporte un nouveau regard sur ces animaux. Comme pour les danseuses, la position du spectateur est importante. De profil, ce cheval me laissait vraiment indifférente, mais de face, sa position devient particulièrement marrante à observer.Nous sommes dans la deuxième salle et je trouve ce gris-vert extrêmement seyant avec le bronze.Franco, un des étudiants d’Oldenborg est en pleine contemplation de ce qui est probablement la plus célèbre des sculptures de Degas (Little Dancer, Aged fourteen, 1878-1881)The Tub, 1889. Une des oeuvres les plus impressionnantes de l’exposition avec tout un jeu très fluide de textures et de couleurs. J’aurais aimé pouvoir vous montrer l’oeuvre vue de dessus, mais il me manque quelques centimètres…Après avoir fait le tour de l’exposition, Callie et moi sommes parties explorer la collection d’art asiatique que je n’avais encore jamais vue. Pour ceux qui n’ont pas eu assez de Degas, le Norton Simon Museum a une page consacrée à l’artiste sur son website.Dans le jardin consacré aux sculptures asiatiques.
Un arbre étrange, au point de se demander s’il ne s’agit pas également d’une sculpture.
Un arbre étrange.
Une tête de cheval cachée dans une branche ou ce moment où l’on se dit qu’on a vu trop de Degas pour la journée…
La transition entre Edgar Degas et la collection d’art asiatique est un peu abrupte, mais c’est ce qui rend également le musée intéressant. On regarde avant tout une collection personnelle reflétant les goûts de son propriétaire !
Shiva as Lord of Dance (Nataraja), Inde : Tamil Nadu, vers 1000. Bon, il s’agit de dance de la destruction avec des bras qui peuvent soit détruire, soit régénérer. Callie et moi observons l’oeuvre un moment débattant sur le fait de savoir si une paire de bras supplémentaire pourrait être utile pour danser. Quoi qu’il en soit, notre danse à nous est plus innocente et bienveillante. J’ai parfois mis un coup de coude dans une mâchoire (c’est pour cela qu’une seconde paire de bras me laisse un peu dubitative), mais c’est tout…Vishnu. Inde: Orissa, 15e siècle. Le genre de statue qui me rappelle le Gainsbourg d’Eric Elmosnino ou qui pourrait être le protagoniste parfait pour venir hanter vos cauchemars burtoniens.
Bodhisattva Maitreya, Pakistan, Ancient Gandhara, 3-4e siècles. La photographie ne rend pas justice à la texture lisse et brillante due aux micas dans la pierre…
« Loving couple (Maithuna), Inde : Orissa, 13e siècle.
« Loving couple (Maithuna), Inde : Orissa, 13e siècle. Même oeuvre, vue d’un autre angle.
C’était donc ma sortie culturelle « off-campus » du semestre, organisée pour mes étudiants de français. Que d’émotions ! Nous avons croisé Claire Nettleton, une professeure de français du département de Pomona, très enthousiaste car elle travaille avec ses propres étudiants sur Edgar Degas et d’autres artistes ! De mon côté, je suis ravie d’avoir vu Edgar Degas remonter un peu dans mon estime, car mon cours d’histoire de l’art du semestre dernier a définitivement brisé l’image « glamour » et apparemment innocente des impressionnistes. Mais j’ai réappris à apprécier l’art de Degas d’une autre manière, peut-être un peu plus scientifique…
Les jardins étaient fermés à cause de la pluie tombée les jours précédents et parce qu’une colonie d’oies s’est installée dans les environs (à gauche sur la photo, on peut voir les barrières) alors ce sera la seule photo disponible du parc…Callie devant Giovanni Battista Tiepolo, The Triumph of Virtue and Nobility over Ignorance, 1740-1750. Franco me dit qu’il adore le roccoco et qu’il voudrait emporter cette oeuvre pour la mettre dans sa chambre. Les chambres à Oldenborg sont spacieuses, mais quand même !
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