Second jour pluvieux à Boston, mais pas de tout repos ! Nous nous sommes rendus au musée des Beaux-arts où nous avons littéralement passé la journée, avec une petite pause pour goûter aux meilleurs burritos de la ville (il fallait au moins cela pour reprendre des forces !).
Une journée n’est clairement pas suffisante pour arpenter tout le musée de fond en comble, de long, en large et en travers. Une chose est sûre, les deux musées que nous avons visités ces premiers jours étaient horriblement chers (25 dollars chacun) et en même temps, heureusement, cela valait le coup. Pour l’anecdote, le musée des Beaux-arts anticipe un peu en proposant une seconde visite incluse dans le prix du billet, à condition d’y revenir dans les dix jours. Bon, mes convictions politiques continuent de me faire penser que la culture devrait être accessible à tous, mais c’est une autre histoire…
La célèbre rotonde du musée des Beaux-arts de Boston, avec des fresques de John Singer Sargent réalisées entre 1916 et 1925.
John Singer Sargent, « Le Sphinx et la Chimère », 1925 : petit détail de la rotonde.
Deux expositions temporaires avaient lieu lors de notre visite : une sur Sandro Botticelli et l’autre sur Henri Matisse. L’avantage avec Joaquin, c’est que nos goûts picturaux s’accordent assez bien alors on visite généralement les mêmes parties des musées ensemble ! Je vous emmène donc voir un petit aperçu de ces deux expositions et un petit échantillon de ce que nous avons pu voir. J’insiste sur le « petit », car le musée est véritablement immense et que nous avons dû zapper une grande partie de ce qui était exposé.
Sandro Botticelli, « Saint Augustin dans son cabinet de travail », 1480. J’ai un peu de mal à résister au petit côté « collection », « curiosités », « savoir », « bibliothèque »,…
Sandro Botticelli, « Minerve et le Centaure », 1482 : nous avons passé beaucoup de temps devant ce tableau. Tout parle ! Ce serait bien trop long d’écrire ici toutes les subtilités de cette oeuvre, mais admirez cette Minerve qui, pour moi, est ici un vrai modèle féminin !
Sandro Botticelli, « La Vierge à l’Enfant avec le jeune saint Jean-Baptiste », 1505 : quelle composition étrange ! On dirait que le cadre était trop petit… Cela rend un caractère plutôt solennel et en même temps, cela reste assez énigmatique…
La première exposition s’appelle Botticelli and The Search for the Divine. La collection d’oeuvres est tout bonnement impressionnante, et en même temps, le musée se targue de présenter la première plus grande exposition sur l’artiste jamais faite en Amérique du Nord. Rien que ça…
O. Benintendi & G. A. Sogliani, Masque mortuaire de Laurent le Magnifique, 1492. C’est un visage tout à fait fascinant ! Jérémy (qui regarde par dessus mon épaule au moment où j’écris) m’a dit qu’il le trouve très charismatique. En tout cas, il laisse une forte impression.Matisse in The Studio est le nom de la seconde exposition présentée dans ce musée. Une petite touche française bienvenue, avec une exposition tout aussi incroyable que la première. Dans les deux cas, c’est plutôt la collection elle-même qui impressionne avec des oeuvres variées qui m’ont permis de découvrir des facettes des artistes que je connaissais moins.
Henri Matisse, « Nature morte à la statuette nègre », 1902.
« Figure assise », Loango, Royaume Vili, République du Congo, 19e-début du 20e siècle.
La muséographie n’était pas le point fort du musée ; j’ai toutefois apprécié la didactique mise en place, notamment pour l’exposition sur Matisse. Le peintre collectionnait les objets d’art africain, puis les plaçait dans des compositions afin de les peindre. Alors, dans l’exposition on retrouvait souvent le tableau accompagné de l’objet qui avait servi de modèle lui-même. C’est une idée simple, mais efficace !
Henri Matisse, « Odalisque accoudée à une chaise turque », 1927-1928 : Il me rappelle « La jeune fille sur le tapis rouge » de Felice Casorati, le côté japonisant en moins. Des couleurs, un portrait de femme, de l’orientalisme et un petit côté « esprit de collection » : tout ce que j’aime…
Henri Matisse, « Intérieur avec un rideau égyptien », 1948. Le tableau a été choisi pour illustrer l’affiche de l’exposition. On obtient quelque chose d’assez plat, mais les couleurs sont vraiment magnifiques !
Henri Matisse, « Marguerite », 1906-1907 : la fille d’Henri Matisse, dans un portrait vivant et simple. Il la repeindra quelques années plus tard, mais le visage aura déjà quelque chose de plus grave et de moins frais. Etonnant comme les années passent et marquent…
Henri Matisse, « La femme italienne », 1916 : un portrait de Laurette, un des modèles favoris du peintre, que j’aime beaucoup (malgré le malheureux reflet du panneau « exit »). Je ne sais pas pourquoi, mais il me rappelle un peu Mimi Thorisson du blog « Manger » avec son air doux et réservé à la fois.
Henri Matisse, « Grand Visage (Masque) », 1952 : simple, mais expressif, un peu comme certains dessins de Picasso..
Henri Matisse, « Lorette à la Tasse de Café », 1917 : Le même modèle que « La Femme Italienne » à gauche, et pourtant, l’ambiance et l’expression ont complètement changé !
Toutes ces couleurs chez Matisse viennent égayer cette journée grisâtre. Cependant, ce qui m’a encore plus touchée, c’est cet exotisme que je ne connaissais pas chez lui ainsi que tous les portraits de femmes qu’il peignait inlassablement. J’ai trouvé Lorette, son modèle italien, fascinante du fait qu’on ne sait rien d’elle et que ses portraits semblent montrer à chaque fois une femme différente.
L’architecture du musée est un mélange entre tradition et grandes pièces lumineuses très actuelles. Les espaces d’accueil sont décorés avec des oeuvres. C’est sympathique, même si on passe parfois à côté sans s’en rendre compte.Salle de conférence ou de déjeuner, en tous les cas, en étant bien entourés.
Posant devant un des tableaux (dont je n’ai pas noté la référence) de l’exposition « Club Americano », réalisée par Pablo Helguera.
Est-ce qu’on se sent américain maintenant ?
Après avoir visité les deux expositions, nous décidons de revenir à la la collection permanente en décidant de jeter un oeil à la partie dédiée à l’art américain qu’en bons européens que nous sommes, connaissons très mal. On se plonge très vite dans l’ambiance avec une exposition réalisée par Pablo Helguera, Club Americano. Je trouve le concept très « américain » puisqu’elle met l’accent sur le côté « communautaire ». Bref, les oeuvres sont moins mises en avant : l’idée prime sur l’oeuvre. Plus d’informations sont disponibles par ici.
Avec le tableau de Warren & Lucia Prosperi, Museum Epiphany III (2012), le dialogue avec la véritable statue et le spectateur (nous !) est plutôt amusant ! Un de mes meilleurs moments muséaux !
John Singleton Copley, « Watson et le Requin », 1778 : les Dents de la Mer, avec quelques années d’avance. Brr…
Anonyme, « L’Amiral Peter Rainier », 1778-1787 : je ne connais pas bien la peinture américaine alors j’essaie de m’y intéresser un petit peu. En regardant tous ces portraits, j’en retiens quelque chose d’un petit peu caricatural avec des personnages qui pourraient être parfaits pour une partie de Cluedo ou de Civilization. Bon, c’est juste mon impression générale !
John Singer Sargent, « Une capriote », 1878 : tout en douceur et en fleurs…
John Gadsby Chapman, « Pins de la Villa Barberini », 1856 : je me disais que ça sentait les vacances aussi…
George Inness, « Paysage Italien », 1872 : mon grand coup de coeur ! J’aime tout dans ce tableau, le point de vue, la lumière dans cette espèce de brume entre le jour et la nuit, les discrets petits oiseaux, le promeneur au milieu. Paysage italien, mais qui me rappelle un peu l’ambiance d’Orgueil & Préjugés (la version de 2005).
John La Farge, « Pivoines courbées dans le vent », 1886. Un vitrail s’est glissé parmi les tableaux, saurez-vous le reconnaître ? En tout cas il illustre à merveille le courant esthétique anglais de la fin du XIXe siècle (l’art pour l’art ou, pour citer Oscar Wilde : « tout art est complètement inutile »).
Frederick Carl Frieseke, « La Chambre Jaune », 1910 : l’impressionnisme à l’américaine, et surtout, toujours cet irrésistible japonisme.
Childe Hassam, « Le crépuscule (Boston Common à l’aube) », 1885-1886 : mon cliché bostonien.
Charles Sheeler, « Ore into Iron », 1953. Adapté de photographies d’une usine d’acier à Pittsburgh, ce tableau (peint !) a un rendu architectural proche d’une oeuvre de science-fiction.
Claude Monet, « La Japonaise (Camille Monet en costume japonais) », 1876. J’ignorais que mon tableau préféré se trouvait ici ! J’ignorais aussi à quel point il été grand ! Bref, c’était le moment très émouvant de cette visite et j’y repense d’ailleurs avec beaucoup d’émotion…
Claude Monet, « Le Bassin aux Nymphéas », 1900 : la photographie ne rend malheureusement pas justice aux couleurs vibrantes de ce tableau.
Vincent Van Gogh, » Ravin », 1889 : bon, j’aime le rendu général qui est vraiment sublime, il n’y a aucun doute là-dessus. Cependant, j’ai l’impression de voir une espèce d’animal dans le coin inférieur droit (une espèce de rongeur qui louche) et du coup, j’ai beaucoup de mal à garder mon sérieux !
Bernardo Cavallino, « Sainte Cécile », 1645. Une allégorie de la musique dans un jeu de couleurs blanc fantôme et rouge sang tout à fait fantastique. Le début d’un conte ?
Eldzier Cortor, « Dance Composition n° 34 », 1970. Plusieurs oeuvres de l’artiste étaient exposées dans le musée et je n’en ai sélectionné qu’une seule. Je trouve qu’il illustre certes la danse, mais aussi la musique !
Ci-dessus, je vous présente mes petites trouvailles ! Il y a quelques-uns de mes classiques, découverts (Monet) ou redécouverts (Singer Sargent), mais aussi des nouveautés, le tout dans une balade très inspirante !
Boston, grise et verte.
Esthétisme, esthétisme…
Avec un vase réalisé par Maria Longworth Nichols en 1881 : quand les araignées prennent la pose…
Après un petit tour chez les Américains, nous revenons nous promener dans les espaces dédiés à l’art européen, avant de nous tourner vers l’art contemporain. La partie dédiée à ce dernier nous a valu quelques fous rires. Joaquin me disait que l’art contemporain était parfois un peu trop mystérieux pour lui et qu’il aurait bien voulu comprendre ce qui nous intéressait autant dedans. Mon plaidoyer de l’art contemporain aurait été magnifique si nous n’avions pas enchaîné les salles un peu bizarres : plongés dans l’obscurité à écouter la bande-sonore d’un one-man-show ou face à un écran à contempler des nuances de bleus…
Edgar Degas, La Petite Danseuse de Quatorze Ans, 1878-81. J’aime cette sculpture, car elle me rappelle un de mes cours de français sur l’art. Il s’agit de l’oeuvre préférée d’une de mes étudiantes et elle l’avait présentée devant la classe. C’était un des jolis moments de ce semestre de cours !Josiah McElheny, Endlessly Repeating Twentieth Century Modernism, 2007. Le rendu est tout bonnement incroyable ! J’essaie encore d’en comprendre les ficelles…C’est pas faux.La transition est un peu abrupte, non ? Mais nous voilà dans l’aile résolument contemporaine du musée des Beaux-arts de Boston ! Les gens tombent du ciel, et on ne sait plus trop si on a le droit de s’asseoir sur les bancs-oeuvre d’art (voir l’espèce de chose bleue sur le sol).
Un détail de l’oeuvre de Daniela Rivera, « The Andes Inverted », 2017.
Une sélection d’oeuvres du collectif Guerrila Girls, toujours actif aujourd’hui.
A propos de l’oeuvre de Daniela Rivera (ci-dessus), j’ai trouvé une autre photographie qui rend un peu mieux compte de l’installation ici.
Ernesto Neto, Prisma Branco, 2008. La photo est un peu floue, mais l’artiste tient une place chère à mon coeur puisque je l’ai découvert en 2009 au musée des Beaux-Arts de Nantes. C’est reconnaissable de loin !Passons de l’autre côté de l’Atlantique avec cette photographie de l’oeuvre A Culpa Civilizada d’Ernesto Neto (2009, Musée des Beaux-arts de Nantes) que j’ai retrouvée dans mes archives. A ce moment-là, je passais mes heures de permanence avec une amie allongée sous l’immense installation de la Salle Blanche… Le lien étroit entre l’oeuvre et l’histoire de Nantes m’avait alors beaucoup touchée !Le(s) mot(s) de la fin. Pour finir à Boston ! (Jeppe Hein, Please…, 2008)
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