Petite sortie culturelle française avec mes étudiants et quelques autres résidents de langues : nous allons à Los Angeles, à Santa Monica pour assister à La Nuit des Idées, le 26 Janvier dernier. Le concept est chouette puisque cet événement organisé par l’Institut Français (entre autres) se déroule dans plusieurs villes du monde, avec juste quelques heures de décalage du fait des différents fuseaux horaires.

Nous arrivons à 19h30, de quoi profiter un peu de l’ambiance avant la première conférence qui nous intéresse. Concert, lecture de poésie, expositions, conférences : nous avons l’embarras du choix ! Je retrouve l’atmosphère passionnante des Utopiales ou tout autre manifestation culturelle du genre « carrefour transdisciplinaire ». Les gens se réunissent autour d’un thème commun, et ensuite, tous les moyens et supports sont bons pour en parler.

Les oeuvres ci-dessus se trouvaient dans la Richard Heller Gallery (j’y ai repioché les noms des artistes et les titres de leurs oeuvres _rendons à César…).




Je m’installe à côté d’Ariane pour assister à notre première conférence intitulée « Architectural Utopias ». Trois architectes sont présents : François Perrin, qui nous a recontextualisé le sujet en présentant un bref historique du concept de l’utopie en architecture, François Dallegret et Didier Faustino.

« A roof of air would protect people from the rain… » (François Perrin, en parlant d’Air architecture d’Yves Klein)

« Artchitecture Sipossible » (François Dallegret)
Il y a un petit quelque chose rétrofuturiste dans les oeuvres présentées. Je retiens notamment l’iNtrocoNversoMAtic, machine qui permet de dialoguer avec soi-même, et que je trouve plutôt d’actualité pour une oeuvre réalisée dans les années 1960.
L’Humanoïde (dessin à main levée, 1964), me laisse également un drôle de souvenir : est-ce un gribouillis, une caricature, ou un croquis de laboratoire ?

« Fragility is the state of possibilities and production » (Didier Faustino)
A Home is not a House. On retrouve le côté rétrofuturiste avec par exemple The Environment Bubble, qui donne l’impression d’être dans un film de science-fiction. Un chouïa plus politisée, j’ai trouvé l’oeuvre de Faustino plus poétique :
- « Future will be a remake »
- L’ouverture des barrières (je ne me rappelle pas du nom exact de l’oeuvre) lorsqu’Obama a été élu président des Etats-Unis.
- « Double Happiness » ou comment assurer la communication à la frontière de deux pays qui ne s’entendent pas trop.
- Et il y a aussi ces « Tours Fragiles » à l’architecture fascinante. Je suis embêtée de ne pas retrouver cette image, mais l’architecte nous a présenté un projet avec une tour dans la forêt amazonienne : deux blocs massifs empilés, juste séparés par une armature métallique en forme de croix, plus légère. D’apparence fragile et massive en même temps, elle dialogue avec la forêt, dense et sombre, et pourtant très vulnérable…
Complètement inspirée et euphorique de retrouver mes amours d’histoire de l’art (utopies, architecture, ce sont des thèmes très proches de mes chers jardins orientaux !), je sors vite pour rejoindre un autre espace.
Nous sommes de retour dans la Robert Berman Gallery pour notre dernière conférence : « Philosophy in the Age of Post-Empathy » avec Nicolas Bancel, Kaoutar Harchi, Alain Mabanckou et Dominic Thomas. Le propos porte sur la question du colonialisme en France et du lien avec la littérature francophone, mais aussi de la recherche sur le sujet. Sujet brûlant, il est néanmoins agréable (rafraîchissant ?) de pouvoir en parler ici à Los Angeles. Les personnalités m’étaient toutes inconnues alors c’est avec beaucoup de curiosité et d’enthousiasme que j’ai pu découvrir qui elles sont.

« Why to worry about a land when you can carry your country everywhere? (…) Tonight, Congo is in Santa Monica! » (Alain Mabanckou)
Je crois que nous étions tous unanimes sur le fait que la conférence était tout simplement inspirante. Sans juger, avec beaucoup de douceur, les problèmes étaient soulevés un à un. La séparation de la littérature dite française et celle dite francophone, les études post-coloniales (terme un peu délicat en France), repenser la discipline « histoire » en France, la notion d’identité aussi : cela donne de la matière à réfléchir et aussi une liste de livres à rajouter à la pile déjà énorme d’ouvrages à lire.


Lorsque l’on n’assiste pas à des conférences, on peut profiter des expositions d’art. L’oeuvre ci-dessus s’appelle Antenna (On The Alleged Meaninglessness of Metaphysics) (Dustin Yellin, 2016) Ariane et moi l’avons trouvée marrante avec ses collages sur plaques de verre, si bien qu’en la regardant de côté, l’oeuvre disparaît complètement !
A 22h30, il est déjà temps de repartir, même si la Nuit des Idées se poursuit encore quelques heures. Nous avons presque deux heures de bus pour rentrer à Claremont. Les étudiants sont ravis, mais épuisés. Tout le monde s’endort ou presque…
De mon côté, je me sens euphorique ! Parmi les Français et autres visiteurs au style un peu bobo, on se sent un peu comme à la maison et l’émulation intellectuelle de ce genre d’événement donne toujours de l’énergie et de l’inspiration pour alimenter les longues heures d’introspection et de questionnements philosophiques sur le sens de la vie. Cela sonne plutôt lourd, mais en réalité, j’ai plutôt envie de sauter en hurlant « la vie est… »

Vous pouvez revoir une partie de la Nuit des Idées de Los Angeles ici. (on aperçoit même nos bouilles entre 2:00:00 et 3:00:00).